Kirkouk rêve de paix entre les religions

[ point evaluation5/5 ]1 people who voted
Đã xem: 414 | Cật nhập lần cuối: 2/6/2016 10:31:10 AM | RSS

A la veille de Pâques, Kirkouk rêve de paix entre les religionsUne délégation libanaise, emmenée par le moine libanais Maroun Atallah dans le cadre de son programme "Reconstruire ensemble", est venue passer la Semaine sainte (2012) à Kirkouk.

 

Il fallait être un peu fou – ou alors visionnaire – pour proposer aux habitants d’une ville aussi meurtrie que Kirkouk de venir écouter déclamer des poèmes. C’est pourtant l’idée portée par Maroun Atallah, un moine antonin maronite, venu pendant la Semaine sainte – à la tête d’une petite délégation de Libanais – visiter l’Irak et en particulier le diocèse de son ami Mgr Louis Sako, évêque chaldéen de cette ville du pays.


Une idée folle donc mais aux résultats inattendus. Mardi après-midi, à 17 heures, dans la cour de la cathédrale du Sacré-Cœur de Kirkouk, ils étaient tous là: représentants des pouvoirs civils (gouvernement de la province, municipalité) et militaires, représentants des différentes "ethnies" et de leurs partis politiques – arabes, kurdes, turkmènes, chaldéens et assyriens – mais aussi dignitaires religieux, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, sunnites comme chiites, Frères musulmans comme salafistes.


Alors que tous ou presque sont en conflit ouvert et ont les plus grandes difficultés à siéger ensemble au sein du gouvernorat, ils ont répondu à l’invitation de Mgr Louis Sako, évêque chaldéen de Kirkouk, et se sont présentés, dans leur plus belle tenue d’apparat, aux portes de la grande salle paroissiale qui jouxte la cathédrale.


Parler des tensions religieuses


Étrange – et beau – spectacle que ce premier rang enturbanné, coiffé de keffiehs ou de bérets militaires, au milieu desquels se glissaient quelques soutanes… Une fois les délicates questions de protocole réglées, pendant que soldats lourdement armés et autres gardes du corps patientaient à l’extérieur, les armes se sont tues le temps d’une soirée.


Le poète libanais Hicham Chidiac a récité le « bouquet » de poèmes spécialement choisis par lui pour l’occasion parmi ses neuf recueils, sur des thèmes aussi universels que "Dieu", "l’amour", les "mères" ou encore "la nation"… Dans une courte – mais marquante – introduction, il a dit l’essentiel: "Nous sommes là pour que Dieu reste en nous, quelle que soit notre manière de l’aimer, pour que Dieu reste le plus grand (Allah akbar) pour les siècles des siècles"…


Juste avant lui, le F. Maroun a choisi lui aussi d’aborder de front le problème des tensions religieuses – mais désormais surtout ethniques – qui ensanglantent l’Irak depuis la chute du régime de Saddam Hussein en 2003, citant un verset du Coran à l’appui de son plaidoyer en faveur du vivre-ensemble: "Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule nation."


Espoir et inquiétude mêlés


Seule ombre au tableau, le cheikh chiite libanais Hani Fahs, qui s’était engagé à venir témoigner de son expérience du dialogue islamo-chrétien, s’est désisté au dernier moment. Craignait-il de tenir dans le pays des villes saintes du chiisme – Nadjaf et Kerbala – le discours dont il est coutumier dans son pays ? Il s’est borné à invoquer des raisons de sécurité.


Quant aux possibles retombées de l’événement sur leur vie quotidienne et leur avenir dans le pays, les chrétiens de Kirkouk interrogés à la sortie hésitaient entre espoir et inquiétude… Certains, parmi les plus jeunes, y voyaient un signe de "solidarité", l’espoir qu’enfin « ils ne nous voient plus comme des mécréants, des infidèles, qu’ils nous acceptent ». "Plus que des responsables, le danger vient des discours tenus par les imams dans les mosquées et qui influencent beaucoup les jeunes musulmans", relativisait une autre paroissienne.


Rappelant que d’autres réunions de ce type avaient déjà eu lieu à l’initiative de Mgr Sako – pour commémorer le sanglant attentat du 31 octobre 2010 devant la cathédrale de Bagdad ou lors de la Journée mondiale pour la paix – Oussama Thomas exprimait lui un souhait: que la prochaine "ait lieu dans une mosquée"…


Créer des liens entre communautés


Tout au long de cette Semaine sainte, puisant chacun dans leur expérience, les membres de la petite délégation hétéroclite emmenée par le F. Maroun ont à leur manière tenté de porter ce même message d’une possible et harmonieuse coexistence entre ethnies et cultures. Najwa Tohmé-Bassil, catéchète au Liban, a réuni une vingtaine de paroissiennes de la ville autour du texte de Jean-Paul II sur "La dignité et la vocation de la femme" et été à la rencontre des familles endeuillées par ces années de conflit.


Sœur Micheline, religieuse du Bon-Pasteur, a imaginé, au moyen d’un jeu de rôles, une séance d’"éducation à la paix" pour les catéchètes du diocèse et leurs élèves, directement inspirée par sa vie au Liban : au sein de sa communauté installée dans les quelques villages encore chrétiens de la plaine de la Bekaa, elle tente patiemment de convaincre leurs habitants de la nécessité vitale pour eux de tisser des liens avec leurs voisins chiites.


Ce matin, chacun des élèves du catéchisme devait imaginer quel "pont" très concret il pouvait s’engager à construire autour de lui. Comme un écho au message inlassablement répété par Mgr Sako concernant le dialogue avec les musulmans: "Nous n’avons pas le choix, nous sommes minoritaires. Mais c’est aussi notre mission: créer des liens entre les différentes communautés, témoigner auprès d’eux de l’amour du Christ, les aimer."



Anne-Bénédicte Hoffner, à Kirkouk - Irak

(6.4.2012)

Source: www.la-croix.com